Le kamishibaï est un style de narration japonais très ancien. Dès le VIIe siècle, lorsque des temples bouddhiques ont été érigés partout, des bonzes prêcheurs (Yamabushi) se sont répandus dans le pays pour convertir les paysans. Ils illustraient leurs prêches par des contes. Pour soutenir l’attention de leurs auditeurs souvent illettrés, ils s’accompagnaient de planches de papier illustrées glissées dans un cadre de bois qu’ils portaient sur le dos (l’ ancêtre du kamishibaï) .
Ils utilisaient aussi des émakis, rouleaux narratifs pouvant mesurer jusqu’à quinze mètres, qui combinent calligraphies et illustrations. Ces rouleaux dévoilaient un récit illustré dont chaque section représentait une scène succédant à la précédente.
Les japonais ont toujours eu une grande maîtrise de l’illustration. La technique de l’estampe influencera le renouveau du kamishibaï.
Mais au XVIIIe et XIXe siècle, ce sont surtout les ombres que les japonais utilisent pour illustrer leurs récits. La technique est arrivée de Chine à la fin du XVIIe siècle : les silhouette étaient projetées sur un rideau blanc par des torches allumées.
Puis, s’inspirant de la lanterne magique des hollandais (grosse boîte métallique qui permettait de projeter des images dessinées sur une plaque de verre au moyen d’une source lumineuse), les japonais vont créer des furo (boites en bois plus légères) pour de créer de véritables spectacles : plusieurs manipulateurs, tenant chacun un furo à hauteur de poitrine, faisaient bouger l’image et jouaient avec la perspective en se rapprochant ou en s’éloignant de l’écran, faisant ainsi un spectacle animé.
Au début du XXe siècle, un japonais propose une nouvelle méthode d’animation : le tashi-e. Des marionnettes de papier, montées sur un bâton, représentant sur chaque face un même personnage dans deux positions différentes. Il suffisait de tourner rapidement l’image pour donner un effet de mouvement au personnage. Ces marionnettes étaient manipulées dans un petit théâtre de bois portable.
Lorsque le cinéma arrive au Japon à la fin du XIXème siècle, les salles sombres dans lesquelles se déroulaient les spectacles d’ombres sont réquisitionnées pour devenir salle de cinéma. Cela oblige des dizaines de milliers d’artistes employés dans les théâtres d’ombres à se reconvertir.
Ils retrouvèrent alors l’ancienne technique des moines prêcheurs, le kamishibaï moins encombrant que le tashi-e.
Dans les années 1930, c’est la crise économique et le nombre de chômeurs augmente considérablement. Le kamishibai devient une une opportunit pour celui qui a un vélo et une bonne voix.
Des artistes se mettent à dessiner pour le kamishibai. Ils créent des histoires pour les vendre à des éditeurs qui ensuite les louent aux conteurs de rue.
Le kakishibaï a vu naître un personnage super-héros, nommé Ôgon Bat, défenseur de la justice et vêtu d’une cape rouge. Ce personnage créé par Takeo Nagamatsu deviendra ultra-populaire et sera ensuite adapté en mange et au cinéma.
Dans les années trente, le kamishibaï connait un grand succès. Cela génère des inquiétudes au niveau du gouvernement qui craint que des histoires inappropriées pour des enfants, ne pervertissent la société. Il y a des craintes aussi de trouble à l’ordre public du fait des attroupements d’enfants devant le conteur.
Parmi les mesures prises pour limiter son influence, on impose que le texte soit écrit au dos des planches afin de pouvoir en contrôler le contenu.
En 1933, Imai Yone, une missionnaire chrétienne qui avait étudier aux Etats-Unis, choquée par l’immoralité des histoires présentées aux enfants mais convaincue par l’impact que pourrait avoir le kamishibai, utilise la technique et créé une centaine de kamishibaïs racontant des histoires bibliques.
Ainsi est né le kamishibaï pédagogique !
Suivant la même idée, en 1938, Matsunage Kenya imagine une histoire, sorte de guide pour aider les famillesvprolétariennes à surmonter les difficultés de la vie.
Il crée la Fédération du kamishibai éducatif du Japon. Il rassemble, au sein de sa fédération des artistes de rue afin de promouvoir l’usage éducatif du kamishibai.
Dans les années 40, le kamishibaï fait son entrée dans les écoles japonaises et devient un support pédagogique important. Il permet d’aborder des thématiques comme la politesse, la religion.
1947 Une journée dans une école maternelle de Tokyo.
Photo de presse du journal new-yorkais « Cleveland Press ».
Pendant la guerre guerre sino-japonaise (1937-1945) et la seconde guerre mondiale, les autorités utilisent cette technique peu coûteuse pour sa propagande militariste auprès des enfants.
En 1945, , le japon capitule, ce qui entraîne une période d’occupation par les Etats-Unis qui prendra fin en 1952
Le pays est dévasté, en proie à une pauvreté́ extrême.
De nombreux divertissements populaires sont interdits, comme les représentations d’arts-martiaux, soupçonnés de rappeler aux Japonais leurs valeurs traditionnelles et leur fierté́ guerrière. L’occupant privilégie des activités jugées plus convenables comme le basket-ball, ou encourage le développement de la science-fiction et du western.
Le kamishibai subit un véritable procès devant le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, afin de juger son rôle dans le soutien à l’effort de guerre. Mais il n’est pas interdit car il répond à un triple besoin :
- fournir du travail : de nombreux jeunes sans travail s’engagent dans le métier de Gaïto.
- distraire à peu de frais une population traumatisée : jusqu’à 5 millions de personnes par jour, dont des adultes mais surtout des enfants , assistent aux spectacles de kamishibaï.
- transmettre les informations concernant notamment les réformes imposées par l’occupant américain.
Une fois l’occupation américaine achevée en 1952, fleurissent les récits post-explosion nucléaire.
Le déclin du kamishibaï va commencer en 1952 avec l’arrivée de la télévision.
Les téléviseurs , souvent installés en plein air dans des lieux de rassemblements, représentent un nouveau divertissement de rue accessible aux plus démunis. On les appelle : « denki kamishibai « , le kamishibai électrique !